
Le 22 juillet dernier, le Conseil d’État a validé la nouvelle carte nationale d’identité en bilingue français-anglais. Ce jugement est décevant et inquiétant, car il montre que les juges ne jugent plus selon l’esprit de la loi, mais selon l’air du temps, qui, comme l’on sait, est favorable à l’anglicisation-américanisation de notre société.
Pour information : Le Premier ministre, Jean Castex au sujet de la CIN bilingue – Réponse de l’Afrav – Décision du Conseil d’État
L’esprit de la loi Toubon est de soutenir la langue française, et non de la contourner par un raisonnement pro-anglais, pour permettre, en autres choses, l’installation du bilinguisme français-anglais partout dans le pays.
Pour attaquer le bilinguisme de la nouvelle carte nationale d’identité, nous nous sommes appuyés sur l’article 4 de la loi Toubon : « Lorsque des inscriptions (…), apposées (sur la voie publique) (…) par des personnes morales de droit public ou des personnes privées exerçant une mission de service public font l’objet de traductions, celles-ci sont au moins au nombre de deux. […]
Soit, il n’est question dans cet article de loi que d’inscriptions faites sur la voie publique et non écrites dans un document administratif comme c’est le cas pour la nouvelle carte nationale d’identité, mais il n’est pas marqué non plus que les écrits faits dans un document administratif sont exonérées de respecter l’obligation de traduire le français en au moins deux langues étrangères s’il y a recours à la traduction.
Que nous dit sur le sujet l’UNJF, l’Université Numérique juridique francophone :
« Quand la loi est obscure, il faut en approfondir les dispositions pour en pénétrer l’esprit ». L’idée est de rechercher ce que le législateur a voulu faire. Cette recherche de l’intention du législateur est le fondement même de la méthode exégétique : à cette fin, l’interprète pourra se reporter aux travaux préparatoires de la loi (c’est-à-dire les rapports et débats parlementaires), ou à l’exposé des motifs qui la précèdent. Il pourra aussi se référer aux précédents historiques (par ex. en revenant aux œuvres de Domat ou de Pothier, pour éclairer des textes qui ont été inspirés par leurs travaux). L’interprète devra en tout cas replacer la disposition dans le contexte dans laquelle elle s’inscrit. Si le doute subsiste entre deux interprétations, c’est la plus équitable qui devra l’emporter.
(Source : https://cours.unjf.fr/repository/coursefilearea/file.php/105/Cours/05_item/globalprintcom.htm)
– Travaux préparatoires sur la loi Toubon, Rapport du Sénateur Jacques Legendre sur :
Cliquer pour accéder à i1993_1994_0309.pdf
– Projet de loi relatif à l’emploi de la langue française sur :
http://www.senat.fr/leg/1993-1994/ta1993_1994_0105.pdf
Nous constatons aussi que les juges se sont bien gardés de répondre aux questions que nous posions sur le sujet à Madame la 1ère Ministre, et dont pourtant ils ont reçu copie (Lettre de l’Afrav à la Première ministre, Élisabeth Borne – la ministre ne nous a pas répondu, bien sûr !) :
– le bilinguisme est contraire à la politique française et européenne sur le plurilinguisme. En effet, la France a fait du plurilinguisme l’une de ses priorités. Ainsi, l’Assemblée nationale a adopté, le 6 janvier 2004, une résolution sur la diversité linguistique dans l’Union européenne (https://www.assemblee-nationale.fr/12/ta/ta0229.asp).
– le bilinguisme va à l’encontre de la recommandation du Conseil européen du 22 mai 2019 relative à une approche globale de l’enseignement et de l’apprentissage des langues (2019/C 189/03) où le Conseil européen a demandé de poursuivre l’action dans le domaine de l’éducation comme suit : « améliorer la maîtrise des compétences de base, notamment par l’enseignement d’au moins deux langues étrangères dès le plus jeune âge » (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019H0605(02))
– le bilinguisme français-anglais est discourtois à l’égard de nos partenaires allemands qui, eux, ont mis le français sur leur carte d’identité nationale, respectant, du coup, l’esprit du Traité de l’Élysée, traité par lequel l’Allemagne et la France s’engagent à promouvoir chacun dans leur pays la langue de l’autre.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DE L’ASSOCIATION FRANCOPHONIE AVENIR (A.FR.AV) https://www.francophonie-avenir.com